Le Síndic de Greuges de Catalunya est une institution de création récente, qui a cependant de clairs prédécesseurs dans la Catalogne médiévale, telles que les assemblees de pau i treva (synodes de paix et trêve) et les provisors de greuges (proviseurs des doléances). Sous sa forme moderne, l'institution trouve son origine dans le modèle suédois de l'ombudsman, qui fait son apparition en 1809 en tant que délégué parlementaire chargé de recevoir des plaintes des citoyens concernant un fonctionnement déficient de l'administration, afin d'essayer de corriger ces dysfonctionnements et d'en informer le parlement.
Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la plupart des États démocratiques se sont dotés d'une institution similaire. Le Statut d'autonomie de la Catalogne de 1979 a ainsi prévu d'instituer un ombudsman catalan sous le nom de Síndic de Greuges. En 1984, le Parlement de Catalogne a adopté la Loi portant réglementation de l'institution du Síndic de Greuges, qui s'est vu confier une mission de protection des droits fondamentaux et des libertés publiques des citoyens et doter, à cet effet, d'un pouvoir de supervision de l'administration publique du Gouvernement autonome de la Catalogne et des organismes locaux de Catalogne.
Dans le contexte d'affrontements et de conflits sociaux qui ont déferlé sur l'Europe occidentale à l'approche de l'an 1000, a vu le jour en France la notion de paix de Dieu, démarche visant à offrir un refuge aux personnes sans défense. Ce système s'est bientôt propagé en direction du sud, jusqu'à la Catalogne. En parallèle à cela s'est également étendue la notion de trêve de Dieu, qui imposait l'interdiction de toute violence les jours fériés ainsi que lors de certaines périodes du calendrier liturgique.
L'an 1027, à l'initiative de l'abbé Oliba du Monastère de Ripoll, ces mesures de protection ont été étendues au moyen de la promulgation d'une Constitució de Pau i Treva (Constitution de paix et trêve), qui sera suivie de l'adoption d'autres chartes de ce type en Catalogne au cours des années suivantes. Les assemblées chargées d'adopter ces constitutions -les assemblées de paix et trêve- se sont attribuées, avec l'assentiment de l'autorité des comtes de Barcelone, le pouvoir d'imposer des sanctions matérielles à quiconque enfreindrait ces constitutions, limitant ainsi le pouvoir des seigneurs en punissant ceux qui se seraient rendus coupables d'atteintes aux personnes. Était ainsi établi un système de contrôle des excès des autorités féodales, raison pour laquelle on considère généralement ces synodes de paix et trêve comme une préfiguration de ce qui est aujourd'hui l'institution du Síndic de Greuges.
À la suite de la mise en place des cortès catalanes (États généraux de Catalogne), la satisfaction des réclamations et des plaintes -les greuges: griefs ou doléances- émises par les habitants du pays deviendra progressivement l'une des questions centrales abordées par ces assemblées. On parle alors de greuge de cort (grief de cour) en cas de lésion ou de préjudice porté à un habitant de Catalogne par le roi ou l'un de ses officiers, y compris lorsque ceux-ci agissaient dans l'exercice de la fonction judiciaire. Cette notion s'étant généralisée au fil du temps, tout préjudice deviendra susceptible d'être considéré comme un grief, dès lors que l'on pouvait arguer d'une atteinte à un droit ou d'une transgression d'un des engagements souscrits par le monarque.
Les griefs généraux, c'est-à-dire les doléances qui avaient trait au bien commun de l'ensemble de la Principauté de Catalogne, devaient être examinés par l'ensemble des cortès et satisfaits moyennant l'adoption de modifications législatives soumises à l'approbation royale. À côté de cela, les doléances n'engageant pas l'intérêt général recevaient le nom de griefs particuliers, qui pouvaient être présentés, entre autres, par les particuliers ou les corporations municipales. Le roi réglait ces doléances au cours des séances des cortès, de manière immédiate ou en chargeant un juge de soumettre un règlement au Conseil royal.
Pour la première fois, lors de la réunion des États généraux qui s'est tenue à Perpignan en 1350 sous le règne de Pierre le Cérémonieux, les doléances sont soumises au roi de manière groupée et articulée, sous forme de cahier de doléances. Ce sera, toutefois, le roi Martin Ier l'Humain qui institutionnalisera une procédure de satisfaction des doléances en 1409, en instituant une commission paritaire composée de neuf délégués royaux et de neuf représentants des états ou ordres siégeant aux cortès. Ces délégués étaient appelés jutges ou provisors de greuges (juges ou proviseurs des doléances). Ils statuaient sur chaque affaire de manière collégiale et leur verdict tenait lieu de jugement ou d'arrêt des cortès, bien qu'il survienne souvent plusieurs mois plus tard.
À partir de 1419, cette commission se composera de neuf proviseurs, dont trois étaient nommés par le roi, chaque état (noblesse, clergé et tiers état, c'est-à-dire les roturiers) en désignant deux à son tour. On prend l'habitude à cette époque de désigner les représentants du tiers état sous le nom de síndics (syndics). Par conséquent, les deux syndics étaient nommés par leurs pairs au poste de proviseurs des doléances, siégeant à la commission. En ce sens, on peut faire remonter l'apparition de la figure du "síndic de greuges" à l'époque médiévale. La mission de ces syndics différait cependant de celle qu'assume aujourd'hui le Síndic de Greuges, dans la mesure où ils se prononçaient de manière collégiale et émettaient des sentences. Quoi qu'il en soit, d'importantes similitudes ont conduit l'institution actuelle à reprendre le nom de sa devancière médiévale. À cette époque, les citoyens présentaient leurs doléances aux représentants du tiers état, lesquels en incorporaient un grand nombre au cahier de doléances que l'on soumettait au roi et à la commission chargée de leur règlement. Au sein de celle-ci, les deux syndics proviseurs des doléances, qui défendaient d'ordinaire les intérêts des citoyens qui leur avaient transmis leurs plaintes, peuvent être considérés comme les prédécesseurs de l'institution du Síndic de Greuges sous sa forme actuelle. Comme l'a relevé le professeur Josep Maria Font Rius, ces deux institutions ont en commun un principe d'autoresponsabilisation des pouvoirs publics et de l'administration face aux infractions commises aux dépens des particuliers.
Fondée par le roi Martin Ier l'Humain en 1409, l'institution du proviseur des doléances a été abolie en 1716 lors de la promulgation du Décret de Nova Planta (Refondation), en même temps que le reste des institutions publiques catalanes. Pour mieux symboliser la renaissance de cette institution, le Síndic de Greuges a pris pour emblème, en 1984, le blason du roi Martin Ier l'Humain.
En 1809, la Suède a adopté une constitution libérale instituant un délégué parlementaire chargé de recevoir les réclamations des citoyens concernant le mauvais fonctionnement de l'administration. Ce délégué a reçu le nom d'ombudsman, terme qui signifie littéralement "homme qui accomplit les démarches". Sa mission consistait à veiller au respect des lois et à s'assurer que les fonctionnaires du roi remplissent leurs obligations à l'égard des citoyens. À l'origine, l'ombudsman assumait devant les tribunaux l'accusation des fonctionnaires ayant manqué à leurs obligations. Par la suite, il se limitera à admonester les contrevenants et à présenter au Parlement un rapport annuel, lequel connaîtra bientôt une importante diffusion et aura un grand impact sur l'opinion publique.
Pendant plus d'un siècle, cette institution restera une spécificité suédoise, jusqu'à ce que la Finlande se dote d'une institution similaire en 1919. Il faudra ensuite attendre l'année 1953 pour qu'un troisième État, le Danemark, l'adopte à son tour. À partir de ce moment, l'institution se déploiera progressivement dans de nombreux pays, une évolution qui se poursuit à l'heure qu'il est. L'ombudsman recevra un nom différent dans chaque État, par exemple Parliamentary Commissioner for the Administration en Grande-Bretagne (1967) ou Médiateur de la République en France (1973).
En 1978, la Constitution espagnole institue à son tour la figure de l'ombudsman sous le nom de Defensor del Pueblo (Défenseur du peuple), en introduisant une innovation importante : pour la première fois, le médiateur est chargé de veiller à la protection des droits fondamentaux des citoyens. Par la suite, la quasi-totalité des institutions d'ombudsmans qui verront le jour à travers le monde se verront également confier une mission de défense des droits de l'homme. De ce fait, la figure de l'ombudsman est aujourd'hui étroitement liée au mouvement international de protection des droits de l'homme, qui a vu le jour en 1948 avec l'adoption par les Nations unies de la Déclaration universelle des droits de l'homme et qui a pris un nouvel essor à partir de 1966 avec la signature des pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques, ainsi qu'aux droits économiques, sociaux et culturels.
En Espagne, certains statuts d'autonomie ont également institué un ombudsman à l'échelle régionale investi d'une mission de protection des droits fondamentaux. Sous des noms divers, ce médiateur régional est parfois héritier d'une longue tradition historique, comme c'est le cas du Justicia de Aragón (Médiateur de l'Aragon).
Une fois la démocratie restaurée en Espagne, le Congrès de la culture catalane qui s'est tenu en 1977 a proposé d'instituer un délégué parlementaire investi d'une mission de protection des droits des citoyens et de contrôle de l'administration, sous le nom de "Síndic de Greuges". Le Statut d'autonomie de la Catalogne de 1979 prévoyait la désignation d'un "Síndic de Greuges chargé de défendre les droits fondamentaux et les libertés publiques des citoyens". Finalement, le 20 mars 1984, le Parlement de Catalogne a approuvé la Loi portant réglementation de l'institution du Síndic de Greuges, qui s'est vu confier une mission de protection des droits fondamentaux et des libertés publiques des citoyens et doter, à cet effet, d'un pouvoir de supervision de l'administration publique du Gouvernement autonome de la Catalogne et des organismes locaux de Catalogne. Cette loi a été modifiée en 1989, afin d'habiliter le Síndic de Greuges à désigner un second adjoint investi d'une mission de défense des droits des enfants.
En juillet 2006 a été approuvé le nouveau Statut d'Autonomie de la Catalogne qui renouvelle et renforce l'institution du Síndic et lui concède davantage de compétences. À partir de ce moment, le Síndic supervise, avec un caractère exclusif, l'activité de l'Administration de la Generalitat et celle des entreprises privées qui gèrent des services publics ou réalisent des activités d'intérêt général ou universel.
En décembre 2009, pour respecter le mandement de l'EAC, une nouvelle Loi sur le Síndic de Greuges a été approuvée, en tant que loi de déploiement de base du Statut, selon les dispositions de l'article 62.2 du Statut d'Autonomie.
Le titre I de la Loi sur le Síndic établit le double objectif de la norme: réguler la figure du Síndic de Greuges conformément aux prévisions du Statut d'Autonomie et désigner le Síndic de Greuges comme mécanisme de prévention de la torture et des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, prévu dans le Protocole facultatif de la Convention des Nations Unies.