Le 3 juin, la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme du Conseil de l'Europe a approuvé le projet de résolution intitulé "Les responsables politiques devraient-ils être poursuivis pour les déclarations faites dans l’exercice de leur mandat?". Le projet appelle les autorités espagnoles à réformer les délits de rébellion et de sédition afin d'éviter des sanctions disproportionnées pour les transgressions non violentes ou afin qu'elles ne puissent être interprétées comme invalidant la dépénalisation de l'organisation de référendums illégaux du 2005.
Dans ce contexte, le Défenseur catalan a organisé une session parallèle pour discuter sur la liberté d'expression conformément à la Convention européenne des droits de l'homme, avant le vote à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le projet de résolution.
La session, qui s'est déroulée en ligne en raison de la pandémie, a été présidée par le défenseur catalan, Rafael Ribó, et a compté avec la présence de Françoise Tulkens, ancienne vice-présidente de la Cour européenne des droits de l'homme ; Josep Casadevall, ancien juge de la Cour européenne des droits de l'homme, et Rob Behrens, médiateur parlementaire et des services de santé du Royaume-Uni.
Lors de son intervention, Françoise Tulkens a évoqué les principes généraux de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) au regard de la liberté d'expression en général mais, surtout, à l'égard des responsables politiques. Dans son discours, elle a souligné que la liberté d'expression est la pierre angulaire de la démocratie et d'une société libre. En ce sens, elle a déclaré que, selon la CEDH, les politiciens disposent d'une grande liberté d'expression et d'un niveau de protection plus élevé, car ils sont des représentants du peuple, qui ne peuvent être limités que dans des situations exceptionnelles et de manière proportionnelle. Concrètement, la liberté d'expression seulement peut être restreinte lorsqu'elle s'agit d'incitation à la haine ou à la violence.
Dans son discours, Josep Casadevall s'est concentré sur l'analyse du contenu de la résolution "Les responsables politiques devraient-ils être poursuivis pour les déclarations faites dans l’exercice de leur mandat?", notamment en ce qui concerne les droits et libertés protégés par la Convention des droits de l'homme et la jurisprudence de la CEDH. Casadevall a conclu que le rapport Cilevičs comprenait très bien les principes régissant la CEDH et il en a félicité l'auteur. Sur la base de la jurisprudence de la Cour, il a également expliqué que face à la diffamation ou les injures contre une personne, le principe d'égalité est imposé, par lequel aucune personne -ni président ni chef de l'État- n'est plus protégée par la loi que les autres et ne peut bénéficier d'un traitement de faveur.
Enfin, Rob Behrens a expliqué comment la liberté d'expression est réglementée au Royaume-Uni et les limites qui s'y appliquent, et a souligné la totale liberté d'expression des parlementaires au sein du Parlement britannique. Selon lui, les responsables politiques, en tant que représentants des citoyens, doivent être soumis aux mêmes restrictions, afin qu'eux ne puissent inciter à la haine ou à la violence raciale ou de genre. Sans ces garanties, il existe un risque que les politiciens s'écartent de l'objectif pour lequel ils ont été élus.
Dans un autre domaine, il s'est également dit préoccupé par le manque de protection accordé aux fonctionnaires de justice ou aux médiateurs lorsqu'ils remettent en question les décisions ou les actions de certains représentants publics. Plus précisément, Rob Behrens a évoqué le cas de la Pologne, où l'ombudsman, Adam Bodnar, a été menacé pour avoir défendu les droits de l'homme dans le pays, et le cas de la Catalogne, où Rafael Ribó a également été interrogé à quelques reprises sur la tâche accomplie dans la défense des droits et libertés en Catalogne.